dimanche 17 mars 2013




« Mais le latin vivant, le latin de l’Eglise, le latin liturgique, je veux de toute mon âme de « père de jeunesse », comme disait le chanoine Timon-David, que mes pauvres enfants le sachent, qu'ils le savourent, qu'ils en jouissent, qu'ils prient sur de la beauté, selon le mot attribué à saint Pie X (en tout cas la pensée est sienne, sinon l'expression). Parce qu'ils sont pauvres, parce qu'ils sont malheureux, les merveilles de l'art grégorien seraient réservées à d'autres, et à eux interdites ? Cette seule idée me jette dans une colère dont je ne cherche même pas à atténuer la violence. Le seul luxe des pauvres, c'est le luxe en religion ; Chartres est à eux, Reims est à eux, on ne paie rien pour entrer. Le grégorien aussi est à eux, moyennant qu'on le leur apprenne ; c'est cela, servir les pauvres ! Le jeudi-Saint, je lave et je baise, avec un amour inénarrable, les pieds de mes enfants; je n'oserais plus le faire, si je ne leur apprenais pas le latin ; je perdrais le droit à l'honneur d'être à genoux devant eux. Il n'est point en éducation de méthode infaillible. La pâte humaine est lourde, pour ne rien dire des déficiences de l'éducateur. Mais nous tenons pour certain que l'éducation par le grégorien est la meilleure, étant la plus théologale et à la fois la plus propre à tremper les caractères. Nous n'avons pas connu que des succès ; mais des quelque trois ou quatre cents enfants qui sont passés par notre très humble manécanterie, en ceux-là mêmes qui nous ont été cause ensuite des déceptions les plus amères, quelque chose a toujours surnagé dans le naufrage, quelque chose que nous ne saurions définir, ou que nous ne saurions mieux définir qu'en l'appelant une nostalgie du grégorien. Oui, il leur reste cela, oui leur faiblesse est pour toujours pétrie de cette sublimité. Ils ne sauraient plus décliner rosa la rose, mais jamais ne s'éteindra dans leurs entrailles le chant du Regina coeli de Pâques ou du Cibavit du Saint-Sacrement. Inoubliable, inoubliée, la prière grégorienne les garde victorieusement « pèlerins de l'absolu ». Et si, parvenu au terme de notre course, Dieu nous fait la grâce de pouvoir dire : « De tous ceux que vous m'avez confiés, pas un ne s'est perdu, ex iis quos dedisti mihi non perdidi ex eis quernquarn », cette grâce de toutes la plus douce au cœur d'un prêtre qui va paraître devant le Souverain Juge, nous savons que nous en serons éternellement redevable aux puissantes ondes de salut sur lesquelles le chant grégorien porte les âmes jusqu'au seuil du Paradis. »
"La guerre est la plus forte rencontre des peuples. Alors que commerce et circulation, compétitions et congrès ne font se joindre que les pointes avancées, la guerre engage l'équipe au complet, avec un objectif seul et unique : l'ennemi. Quels que soient les problèmes et les idées qui agitent le monde, toujours leur sort se décida par la confrontation dans le sang. Certes toute liberté, toute grandeur et toute culture sont issues du silence de l'idée, mais seules les guerres ont pu les maintenir, les propager ou les perdre. La guerre seule a fait des grandes religions l'apanage de la terre entière, a fait surgir au jour, depuis leurs racines obscures, les races les plus capables, a fait d'innombrables esclaves des hommes libres. La guerre n'est pas instituée par l'homme, pas plus que l'instinct sexuel ; elle est loi de nature, c'est pourquoi nous ne pourrons jamais nous soustraire à son empire. Nous ne saurions la nier, sous peine d'être engloutis par elle. Notre époque montre une forte tendance au pacifisme. Ce courant émane de deux sources, l'idéalisme et la peur du sang. L'un refuse la guerre par amour des hommes, et l'autre parce qu'il a peur. Le premier est de la trempe des martyrs. C'est un soldat de l'idée ; il est courageux : on ne peut lui refuser l'estime. Pour lui, l'humanité vaut plus que la nation. Il croit que les peuples, dans leur furie, ne font que frapper l'ennemi de plaies sanglantes. Et que lorsque les armes ferraillent, on cesse d'oeuvrer à la tour que nous voulons pousser jusqu'au ciel. Alors il s'arc-boute entre les vagues sanglantes et se fait fracasser par elles. Pour l'autre, sa personne est le bien le plus sacré ; par conséquent il fuit le combat, ou le redoute. C'est le pacifiste qui fréquente les matchs de boxe. il s'entend revêtir sa faiblesse de mille manteaux chatoyants - celui du martyr de préférence -, et bon nombre d'entre eux ne sont que trop séduisants. Si l'esprit d'un peuple entier pousse dans ce sens, c'est le tocsin de la ruine prochaine. Une civilisation peut être aussi supérieure qu'elle veut - si le nerf viril se détend, ce n'est plus qu'un colosse aux pieds d'argile. Plus imposant l'édifice, plus effroyable sera le chute."



samedi 16 mars 2013

Thorfin le Pourfendeur




"Les empereurs s'alarmèrent de cette évolution qui sapait le pouvoir financier et militaire de leur administration. Mais leur réaction fut sans portée parce qu'elle ne s'attaquait pas à la racine du mal. La contrainte et la répression auxquelles ils recoururent ne pouvaient renverser la tendance à la désintégration sociale qui, au contraire, provenait précisément de trop de contrainte et de répression. Aucun Romain ne comprit ce fait que le processus découlait de l'intervention du gouvernement dans les prix et de la dégradation de la monnaie. Vainement les empereurs promulguèrent-ils des édits contre le citadin qui « relicta civitate rus habitere maluerit » (qui, abandonnant la cité, préférerait habiter la campagne). Le système de la leiturgia, c'est-à-dire des services dont devaient se charger les citoyens fortunés ne fit qu'accélérer le recul de la division du travail. Les lois concernant les obligations des armateurs, les navicularii, n'eurent pas plus de succès pour empêcher le déclin de la navigation, que n'en eurent les lois sur les grains pour arrêter l'amenuisement du ravitaillement des villes en produits agricoles.

La merveilleuse civilisation de l'Antiquité périt ainsi parce qu'elle n'ajusta pas son code moral et son système juridique aux exigences de l'économie de marché. Un ordre social est voué à disparaître si les activités que requiert son fonctionnement sont bannies par les habitudes morales, déclarées illégales par les lois du pays, et poursuivies comme criminelles par les tribunaux et la police. L'Empire romain s'effondra parce qu'il n'avait pas la mentalité du libéralisme et de l'entreprise libre. Les méthodes de l'interventionnisme et leur corollaire politique, le Führerprinzip, frappèrent de décomposition le puissant empire, comme ils le feront nécessairement dans n'importe quelle entité sociale, jusqu'à la désintégrer et l'anéantir."

mardi 12 mars 2013

 

" L'Etat traditionnel est organique, mais non totalitaire. Il est différencié et articulé, il admet des zones d'autonomie partielle. Il coordonne et fait participer à une unité supérieure des forces dont il reconnaît cependant la liberté. Précisément parce qu'il est fort, il n'a pas besoin de recourir à une centralisation mécanique : celle-ci n'est réclamée que lorsqu'il faut contrôler une masse informe et atomique d'individus et de volontés, ce qui fait, d'ailleurs, que le désordre ne pourra jamais être vraiment éliminé, mais seulement contenu provisoirement. Pour reprendre une heureuse expression de Walter Heinrich, l'Etat authentique est « omnia potens », non « omnia facens », c'est-à-dire qu'il détient au centre un pouvoir absolu qu'il peut et doit faire valoir sans entraves en cas de nécessité ou dans les décisions ultimes, au-delà du fétichisme de l' « Etat de droit » ; mais il n'intervient pas partout, il ne se substitue pas à tout, il ne vise pas à imposer une vie de caserne (au sens négatif), ni un conformisme niveleur, au lieu de la reconnaissance libre et du loyalisme ; il ne procède pas à des interventions impertinentes et imbéciles du domaine public et de l' « étatique » dans le domaine privé. L'image traditionnelle, c'est celle d'une gravitation naturelle de secteurs et d'unités partielles autour d'un centre qui commande sans contraindre, agit par son prestige, par une autorité qui, certes, peut avoir recours à la force, mais s'en abstient le plus possible. La preuve de la force effective d'un Etat est donné par la mesure de la marge qu'il peut concéder à une décentralisation partielle et rationnelle. L'ingérence systématique de l'Etat ne peut être un principe que dans le socialisme d'Etat technocratique et matérialiste. "

samedi 2 mars 2013

Sa femme et ses gosses étaient partis passer l'après-midi chez ses beaux-parents; nous voilà donc assis dans sa cuisine, à boire du soda, tandis que ce petit bonhomme noueux, avec les airs supérieurs d'un voyou des rues, n'arrête pas de ricaner dédaigneusement de tout ce que dit Ira. Comment il explique son retournement de veste?
"Je ne savais rien de rien, à l'époque, je confondais la merde avec le cirage, je savais pas de quoi je parlais." Puis s'adressa à moi:
"Ecoute pas ce qu'il te raconte, petit. Tu vis en Amérique. C'est le pays le plus formidable de monde, le système le plus formidable du monde. Il y a des gens qui se font chier dessus, d'acoord. Tu crois qu'il y en a pas un Union Soviétique? Il te dit que dans le capitalisme, les loups se mangent entre eux? C'est quoi la vie, sinon un système où les loups se mangent entre eux? Notre système est en prise directe avec la vie. Et c'est pour ça qu'il marche.
Ecoute tout ce que disent les communistes sur le capitalisme, c'est vrai. Et tout ce que disent les capitalistes sur le communisme, c'est vrai. Seulement la différence, c'est que notre système marche parce qu'il est fondé sur une vérité: l'égoisme humain; le leur ne marche pas parce qu'il est fondé sur un conte de fées: la fraternité humaine. Il est tellement dingue leur conte de fées, qu'ils sont obligés de te coller les gens en Sibérie pour qu'ils y croient. Pour qu'ils y croient, les gens, à cette histoire de fraternité, il faut contrôler la moindre de leur pensées, ou alors les fusiller. Pendant ce temps-là, en Amérique, en Europe, les communistes continuent à raconter leur conte de fées alors qu'ils savent très bien ce qu'il se passe là-bas. Bon, bien sûr, pendant un temps on ne sait pas. Mais qu'est-ce qu'on ne sait pas?
On connaît l'être humain. Autant dire qu'on sait tout. On sait que c'est une histoire à dormir debout. Quand t'es jeune, bon, passe encore. Vingt ans, vingt-et-un, vingt-deux ans, soit. Mais au-delà? Je ne vois pas comment une personne d'une intelligence normale peut avaler les contes de fées communistes: "On va faire des trucs formidables." Mais enfin, quoi, on connaît son frère. On sait bien que c'est un enfoiré. On connaît son ami. C'est un demi-enfoiré. Et nous aussi, on est des demi-enfoirés. Alors comment veut-tu que ça soit formidable?
C'est pas la peine d'être cynique, ni même sceptique, il suffit d'avoir des capacités d'observation ordinaires pour comprendre que CA NE TIENT PAS DEBOUT.

"Tu veut venir visiter mon usine capitaliste, voir comment on fabrique un matelas à la manière capitaliste? Viens chez nous, tu parleras aux vrais travailleurs. Ce type-là, c'est une vedette de la radio, c'est une vedette à qui tu parles, pas à un ouvrier. Mais si, Ira, tu es devenu une star comme Jack Benny - qu'est-ce que tu y connais, bon Dieu, au monde du travail? Qu'il vienne dans mon usine, ce jeune, il va voir comment on fabrique un matelas; il va voir le soin que ça demande; il va voir comment il me faut superviser tout le processus pour qu'il me bousille pas mes matelas. Il va voir ce que ça veut dire d'être l'abominable propriétaire des moyens de production. Ca veut dire se casser le cul vingt-quatre heures sur vingt-quatre. Les ouvriers, à cinq heures, ils rentrent chez eux. Pas moi. Je suis au boulot jusqu'a minuit. Je rentre, et j'arrive pas à dormir parce que je fait les comptes dans ma tête; et à six heures du matin, je suis de nouveau sur place pour ouvrir. Le laisse pas te bourrer la caisse avec ses idées communistes, petit. C'est rien que des mensonges.
Fais de l'argent. Ca ment pas, l'argent. L'argent c'est la manière démocratique de marquer des points. Fais-toi de l'argent, et puis après, s'il faut vraiment, alors prêche la fraternité humaine.