dimanche 30 septembre 2012

"Aurelle, mon ami, dit le docteur Watts, si vous voulez vivre estimé au milieu d’Anglais bien élevés, vous devez vous efforcer de comprendre le point de vue. Ils n’ont point de tendresse pour les tristes et méprisent les sentimentaux. Ceci s’applique à l’amour comme au patriotisme ou à la religion. Si vous voulez que le colonel vous méprise, arborez un drapeau à votre tunique. Si vous voulez que le Padre vous honnisse, faites-lui censurer des lettres pleines de momeries dévotes. Si vous voulez que Parker vous vomisse, pleurez en contemplant une photographie. On a passé leur jeunesse à leur durcir la peau et le cœur. Ils ne craignent ni un coup de poing ni un coup du sort. Ils considèrent l’exagération comme le pire des vices et la froideur comme un signe d’aristocratie. Quand ils sont très malheureux, ils mettent un masque d’humour. Quand ils sont très heureux, ils ne disent rien du tout. Et au fond John Bull est terriblement sentimental, ce qui explique tout le reste."

mardi 25 septembre 2012



« La vie intense est contraire au Tao », enseigne Lao-Tse, l’homme le plus normal qui fut. Mais le virus chrétien nous travaille : légataires des flagellants, c’est en raffinant nos supplices que nous prenons conscience de nous-mêmes. La religion décline-t-elle ? Nous en perpétuons les extravagances, comme nous perpétuons les macérations et les cris des cellules d’autrefois, notre volonté de souffrir égalant celle des couvents au temps de leur floraison. Si l’Eglise ne jouit pas du monopole de l’enfer, elle ne nous aura pas moins rivés à une chaîne de soupirs, au culte de l’épreuve, de la joie foudroyée et de la tristesse jubilante. L’esprit, aussi bien que le corps, fait les frais de la « vie intense ». Maîtres dans l’art de penser contre soi, Nietzsche, Baudelaire et Dostoïevski nous ont appris à miser sur nos périls, à élargir la sphère de nos maux, à acquérir de l’existence par la division d’avec notre être. Et ce qui aux yeux du grand Chinois était symbole de déchéance, exercice d’imperfection, constitue pour nous l’unique modalité de nous posséder, d’entrer en contact avec nous-mêmes. « Que l’homme n’aime rien, et il sera invulnérable » (Tchouang-tse). Maxime profonde autant qu’inopérante. L’apogée de l’indifférence, comment y atteindre, quand notre apathie même est tension, conflit, agressivité ? Nul sage parmi nos ancêtres, mais des inassouvis, des velléitaires, des frénétiques, dont il faudra bien que nous prolongions les déceptions ou les débordements. […] L’apprentissage de la passivité, je ne vois rien de plus contraire à nos habitudes. (L’époque moderne commence avec deux hystériques : Don Quichotte et Luther.) […] Le taoïsme m’apparaît comme le dernier mot de la sagesse : j’y suis pourtant réfractaire, mes instincts le refusent, comme ils refusent de subir quoi que ce soit tant pèse sur nous l’hérédité de la rébellion.

 La Tentation d’Exister
‎"Que si le socialisme, comme toutes les erreurs, contient une part de vérité (ce que d’ailleurs les souverains pontifes n’ont jamais nié), il n’en reste pas moins qu’il repose sur une théorie de la société qui lui est propre et qui est inconciliable avec le christianisme authentique. Socialisme religieux, socialisme chrétien, sont des contradictions : personne ne peut être en même temps bon catholique et vrai socialiste."

lundi 24 septembre 2012

" Entre parenthèses, puisqu’on parle toubib, je ne connais que deux médecins ayant à proprement parler du génie, mais ni l’un ni l’autre dans la pratique de la médecine : Petiot et Céline. Le premier appartient au panthéon de la criminologie, le second trône sur la plus haute marche de la littérature. "


dimanche 23 septembre 2012

Mais quelle erreur plus grande et plus néfaste que celle des heureux, des robustes, des puissants d’âme et de corps qui se mettent à douter de leur droit au bonheur ! Arrière ce « monde renversé ! » Arrière ce honteux amollissement du sentiment ! Que les malades ne rendent pas malades les bien portants — et cet amollissement ne serait pas autre chose — tel devrait être sur terre le point de vue supérieur : — et pour l’atteindre il faudrait tout d’abord que les bien portants fussent séparés des malades, qu’ils soient mêmes protégés de la vue des malades, qu’ils ne se confondent pas avec eux. Ou bien serait-ce peut-être leur devoir de se faire gardes-malades ou médecins ?… Non, ils ne pourraient méconnaître leur devoir d’une façon plus flagrante qu’en agissant ainsi, — l’élément supérieur ne doit pas s’abaisser à être l’instrument de l’élément inférieur, le pathos de la distance doit aussi, pour toute éternité, séparer les devoirs ! Le droit d’existence des bien portants — c’est le privilège de la cloche sonore sur la cloche fêlée au son trouble — est d’une importance mille fois plus grande : eux seuls sont la garantie de l’avenir, eux seuls sont responsables de l’humanité. Ce qu’ils peuvent, ce qu’ils doivent faire, jamais un malade ne devrait et ne pourrait le faire : mais pour qu’ils puissent faire ce qu’ils sont seuls à devoir faire, comment leur laisserait-on encore la liberté d’agir en médecins, en consolateurs, en « sauveurs » des malades ?… Et pour cela, laissez entrer de l’air pur ! Évitez surtout le voisinage des asiles d’aliénés et des hôpitaux de la civilisation ! Ayez bonne compagnie, notre compagnie ! Ou bien créez la solitude, s’il le faut ! Mais fuyez en tous les cas les émanations nuisibles de la corruption interne et de la secrète atteinte de la maladie. De la sorte, mes amis, nous pourrons nous défendre, du moins pendant quelque temps encore, contre les deux plus terribles contagions qui nous menacent particulièrement, — contre le profond dégoût de l’homme ! contre la profonde pitié pour l’homme !…


samedi 22 septembre 2012

« Il n’y a pas de hasard, parce que le hasard est la Providence des imbéciles, et la Justice veut que les imbéciles soient sans Providence. »

vendredi 21 septembre 2012





1 Isaac devenait vieux et ses yeux s'étaient affaiblis au point qu'il ne voyait plus. Alors il appela son fils aîné Esaü et lui dit: «Mon fils!» Il lui répondit: «Me voici!»
2 Isaac dit: «Je suis maintenant âgé et je ne connais pas le jour de ma mort.
3 Prends donc tes armes, ton carquois et ton arc, va dans les champs chasser du gibier pour moi. 
4 Prépare-moi un plat comme je les aime et apporte-le-moi à manger afin que je te bénisse avant de mourir.»
5 Rebecca entendit ce qu'Isaac disait à son fils Esaü. Esaü s'en alla dans les champs pour chasser du gibier et le rapporter.
6 Quant à Rebecca, elle dit à son fils Jacob: «J'ai entendu ton père dire à ton frère Esaü:
7 'Apporte-moi du gibier et prépare-moi un plat que je mangerai. Je te bénirai alors devant l'Eternel avant ma mort.'
8 Maintenant, mon fils, écoute-moi et fais ce que je t'ordonne:
9 va me prendre deux bons chevreaux dans le troupeau. J'en ferai pour ton père un plat comme il les aime, 
10 et tu le lui apporteras à manger afin qu'il te bénisse avant sa mort.»
11 Jacob répondit à sa mère: «Mon frère Esaü est velu, tandis que moi, je n'ai pas de poils.
12 Peut-être mon père me touchera-t-il et je passerai à ses yeux pour un menteur. J'attirerai alors sur moi la malédiction, et non la bénédiction.»
13 Sa mère lui dit: «Que cette malédiction retombe sur moi, mon fils! Ecoute-moi seulement et va me prendre les chevreaux.»
14 Jacob alla les prendre et les apporta à sa mère, qui prépara un plat comme son père les aimait.
15 Ensuite, Rebecca prit les vêtements de son fils aîné Esaü, les plus beaux qui se trouvaient à la maison, et elle les fit mettre à son fils cadet Jacob.
16 Elle couvrit ses mains et la partie lisse de son cou de la peau des chevreaux,
17 puis elle plaça dans la main de son fils Jacob le plat et le pain qu'elle avait préparés.
18 Il vint vers son père et dit: «Mon père!» Isaac dit: «Me voici. Lequel de mes fils es-tu?»
19 Jacob répondit à son père: «Je suis ton fils aîné Esaü. Je me suis conformé à tes instructions. Lève-toi donc, installe-toi et mange de mon gibier afin de me bénir.»
20 Isaac dit à son fils: «Comment cela? Tu en as vite trouvé, mon fils!» Jacob répondit: «C'est que l'Eternel, ton Dieu, l'a fait venir devant moi.»
21 Isaac dit à Jacob: «Approche-toi donc, que je te touche, mon fils, pour savoir si tu es mon fils Esaü ou non.»
22 Jacob s'approcha de son père Isaac qui le toucha et dit: «La voix est celle de Jacob, mais les mains sont celles d'Esaü.»
23 Il ne le reconnut pas parce que ses mains étaient velues comme celles de son frère Esaü, et il le bénit.
24 Il dit: «Est-ce bien toi, mon fils Esaü?» Jacob répondit: «C'est moi.»
25 Isaac dit: «Sers-moi et que je mange de ton gibier, mon fils, afin de te bénir.» Jacob le servit et il mangea. Il lui apporta aussi du vin et il but.
26 Puis son père Isaac lui dit: «Approche-toi donc et embrasse-moi, mon fils.»
27 Jacob s'approcha et l'embrassa. Isaac sentit l'odeur de ses vêtements. Il le bénit alors en disant: «L'odeur de mon fils est pareille à celle d'un champ que l'Eternel a béni.
28 Que Dieu te donne de la rosée du ciel et des richesses de la terre, du blé et du vin en abondance!
29 Que des peuples te soient asservis et que des nations se prosternent devant toi! Sois le maître de tes frères et que les fils de ta mère se prosternent devant toi! *Maudits soient tous ceux qui te maudiront et bénis soient tous ceux qui te béniront.»
30 Isaac avait fini de bénir Jacob et celui-ci avait à peine quitté son père Isaac lorsque son frère Esaü revint de la chasse.
31 Il prépara, lui aussi, un plat qu'il apporta à son père. Il dit à son père: «Que mon père se lève et mange du gibier de son fils, afin que tu me bénisses!»
32 Son père Isaac lui demanda: «Qui es-tu?» Il répondit: «Je suis ton fils aîné Esaü.»
33 Isaac fut saisi d'une grande, d'une violente émotion et dit: «Qui est donc celui qui a chassé du gibier et me l'a apporté? J'ai mangé de tout avant que tu ne viennes et je l'ai béni. Et effectivement, il sera béni.»
34 Lorsque Esaü entendit les paroles de son père, il poussa de grands cris pleins d'amertume et il dit à son père: «Bénis-moi aussi, mon père!»
35 Isaac dit: «Ton frère est venu avec ruse et a pris ta bénédiction.»
36 Esaü dit: «Est-ce parce qu'on l'a appelé Jacob qu'il m'a supplanté deux fois? Il a pris mon droit d'aînesse, et voici maintenant qu'il a pris ma bénédiction.» Il ajouta: «N'as-tu pas de bénédiction en réserve pour moi?»
37 Isaac répondit à Esaü: «Je l'ai désigné comme ton maître et je lui ai donné tous ses frères pour serviteurs, je l'ai pourvu en blé et en vin. Que puis-je donc faire pour toi, mon fils?»
38 Esaü dit à son père: «N'as-tu que cette seule bénédiction, mon père? Bénis-moi aussi, mon père!» et il se mit à pleurer tout haut.
39 Son père Isaac lui répondit: «Ton lieu d'habitation sera privé des richesses de la terre et de la rosée du ciel, d'en haut.
40 Tu vivras de ton épée et tu seras asservi à ton frère. Cependant, en errant librement çà et là, tu échapperas à la domination qu'il t'aura imposée.

mardi 18 septembre 2012



" Vous affublez vos chevaux de soieries , et vous voilez vos cottes de mailles de je ne sais quels chiffons . Vous peignez vos lances , vos écus et vos selles , vous incrustez vos mors et vos étriers d'or , d'argent et de pierres précieuses . Vous vous parez pompeusement pour la mort et vous courez à votre perte avec une furie sans vergogne et une insolence effrontée . Ces oripeaux sont-ils le harnais d'un chevalier ou les atours d'une femme ? Ou croyez-vous que les armes de vos ennemis se détourneront de l'or , épargnerons les gemmes , ne percerons pas la soie ? D'ailleurs on nous a souvent démontrés que trois choses principales sont nécessaires dans la bataille : qu'un chevalier soit alerte à se défendre , rapide en selle , prompt à l'attaque . Mais vous vous coiffez au contraire , comme des femmes , à l'incommodité de votre vue ; vous entortillez vos pieds dans des chemises longues et larges ; et vous cachez vos mains délicates et tendres dans des manches amples et évasées . Et , ainsi accoutrés , vous vous battez pour les choses les plus vaines , telles que le courroux déraisonnable , la soif de gloire , ou la convoitise des biens temporels . "

Bridge on the River Kwai